« Josephine Baker : First American to Enter France’s Panthéon » titrait le magazine américain Foreign Policy. Mais ce titre recèle deux impropriétés. D’abord, lorsqu’elle a choisi de devenir française, Freda Josephine Baker a décidé de franciser son prénom en ajoutant un accent aigu sur le e. Ensuite, en devant française, elle a également choisi de renoncer à sa nationalité américaine. On pourrait en citer une troisième car elle n’entre pas à proprement parler au Panthéon qui sera pour elle un cénotaphe, c’est-à-dire un monument funéraire qui ne contient pas de corps. Le cercueil contient de la terre des quatre endroits qui ont été importants pour elle : sa ville natale de Saint-Louis dans le Missouri, Paris, Monaco et le Château des Milandes qui a été sa demeure en France. A la demande de sa famille, elle reste enterrée à Monaco aux côtés de son époux.
Cette vie tellement remplie, dont on ne fera pas le rappel ici, la conduite directement dans ce temple « des grands hommes », lui permettant de rejoindre les quatre femmes qui l’ont précédée : Sophie Berthelot en 1907, épouse du chimiste Marcellin Berthelot, Marie Curie en 1995, seul chercheur ayant obtenu deux prix Nobel, un en physique et un en chimie, Germaine Tillon et Geneviève de Gaulle-Anthonioz en 2015.
Dans son discours ponctuant une magnifique cérémonie, le président de la République rappelle que « pourtant rien n’était écrit » pour celle qui mena « tant de combats tant de combats avec liberté, légèreté, gaieté ». « Chanteuse et danseuse mais aussi héroïne de guerre et combattante pour le genre humain ». Elle mena ses combats ses combats aussi bien en France qu’aux Etats-Unis où, bien qu’elle soit devenue française, elle se joignit au mouvement des droits civiques aux Etats-Unis. Elle fut présente aux côtés de Martin Luther King et de tant d’autres lors de la marche sur Washington de 1963.
Son discours lors de la marche sur Washington en 1963
Joséphine Baker “Je voulais aider la France pendant la guerre”
« Sa cause était l’universalisme, l’unité du genre humain. L’Egalité de tous avant l’Identité de chacun. L’Hospitalité pour toutes les différences réunies par une même volonté, une même dignité. L’Emancipation contre l’Assignation.
Et que nul aujourd’hui ne fasse mentir ou ne détourne son combat universel ! » poursuit Emmanuel Macron.
Peine perdue, cette requête restera lettre morte pour certains qui préfèrent poursuivre leur combat idéologique (Rokhaya Diallo sur la panthéonisation de Joséphine Baker : « Un symbole ambigu »).
« J’admire la grâce avec laquelle elle s’est imposée au cours d’une période où les visages noirs étaient rares dans la sphère publique… » Mais cette rareté n’est-elle pas simplement la conséquence que la population noire en France était extrêmement minoritaire à l’époque ?
La conduite exemplaire de Joséphine Baker et sa reconnaissance et son amour pour la France seraient le pendant des « soupçons qui pèsent aujourd’hui sur tout.e Français.e non blanc.he osant se montrer un tant soit peu critique vis-à-vis de notre sacro-sainte république ». Remarque surprenante pour quelqu’un omniprésent sur les plateaux de télévision qui ne manque pas une occasion de lancer ses critiques comme des flèches.
« Elle fit de son insoupçonnable féminité un atout pour collecter des renseignements au bénéfice de la résistance ». Etonnante remarque alors que quelques lignes plus haut, Rokhaya Diallo critique les médias qui parle de Rama Yade comme de la « belle Rama », « perle noire de Sarko ».
« Joséphine Baker contribuait indirectement au mythe de l’œuvre coloniale républicaine » poursuit l’essayiste alors que son histoire n’a aucun rapport avec elle.
« La star flamboyante était une exception parmi la masse des damnés », conclut-elle. Félix Eboué, Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Gaston Monnerville, Alexandre Dumas, Dany Laférrière, Mohamed Mbougar Sarr et tant d’autres apprécieront même si dire qu’il n’y pas de problèmes raciaux serait déraisonnable en France