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Accords en vue sur la crise des opioïdes ?

Le laboratoire pharmaceutique Johnson & Johnson et les trois sociétés de distribution de médicaments Cardinal Health, AmerisourceBergen et McKesson ont conclu un accord avec les villes et les états pour liquider le différend qui les oppose depuis plus de deux ans de procédure sur la crise des opioïdes. Selon cet accord, les distributeurs verseront 21 milliards de dollars sur 18 ans et Johnson & Johnson 5 milliards sur 9 ans. Sur les 26 milliards de dollars, 2 seront utilisés pour payer les frais de procédure et des cabinets d’avocats. Certains états et localités ont fait appel à leurs avocats salariés mais d’autres ont contracté avec des cabinets privés. C’est l’un des multiples procès en cours concernant la crise des opiacées qui, selon le CDC (Le Centers for Disease Control and Prevention est la principale agence fédérale pour le contrôle et la prévention des maladies) aurait occasionné la mort de plus de 500 000 personnes depuis une vingtaine d’années.

Parmi les autres affaires en cours, il y celle entre une quinzaine d’états et le laboratoire Purdue Pharma, le fabricant de l’Oxycontin avec lequel le scandale et le désastre est arrivé. Si l’accord était signé, les états abandonneraient ainsi leur opposition à la restructuration engagée par la société de mise sous protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites en vue de bénéficier d’une meilleure protection juridique. Au passage, un audit réalisé par le cabinet AlixPartner, aurait révélé que la famille Sackler aurait soustrait plus de 10 milliards de dollars avant le lancement de l’opération.

En 2007, la famille a versé une des amendes les plus lourdes jamais imposées à l’encontre d’une firme pharmaceutique pour étiquetage et qualification mensongère de son produit OxyContin, avec trois dirigeants déclarés criminellement coupables. Au passage, le laboratoire est la propriété de la famille Sackler, l’une des plus riches des Etats-Unis. Dans le classement du magazine Forbes de 2015, elle classé au 16e rang avec une fortune évaluée à 14 milliards de dollars). Depuis que le produit Oxycontin a été lancé en 1995, les ventes auraient rapporté quelques 40 milliards de dollars au laboratoire et générerait un revenu de 3 milliards par an. Comble de l’ironie, la firme a lancé en 2018 le Buprénorphine, un médicament censé contrôler l’addiction aux opiacées.

A ward in the Carver General Hospital, Washington, D.C., during the Civil War. Image Credit: National Archives.

Les opioïdes[1] ne sont pas nouveaux. Ils ont été utilisés pendant les guerres, notamment pendant la guerre de Sécession et on évalue à 400 000 le nombre de soldats atteints d’une addiction après cette guerre. Aujourd’hui, il s’agit là d’un phénomène spécifique aux Etats-Unis. Avec 5 % de la population, les Américains consommeraient 80 % de ces substances. Le début de cette crise remonte au début des années 1990 avec la mise sur le marché d’un nouveau produit antalgique, l’OxyContin créé et fabriquée par le laboratoire Purdue Pharma. Pour lancer ce nouveau produit, le laboratoire a lancé une campagne promotionnelle auprès des médecins et du public laissant croire que l’OxyContin était moins addictif que tous les autres produits et que son usage restait sous contrôle. Des affirmations farfelues avancées sans aucune preuve scientifique conduisant à des prescriptions massives par les médecins pour calmer la douleur, même dans des cas où d’autres traitements auraient pu être tout aussi efficaces.

Pour que l’affaire entre Johnson & Johnson soit résolue, il faut qu’une majorité d’états et de municipalités signent l’accord dans les 30 jours. Ce qui n’est pas encore faits dans la mesure où certains pensent que le montant de 26 milliards est totalement insuffisant. Un des protagonistes a déjà indiqué qu’il ne signerait pas, le ministre de la Justice de l’état de Washington, Bob Ferguson qui déclarait : « The settlement is, to be blunt, not nearly good enough for Washington,” said Bob Ferguson, Washington’s attorney general. “It stretches woefully insufficient funds into small payments over nearly 20 years (…) We are looking forward to walking into a Washington state courtroom to hold these companies accountable for their conduct. Washington families devastated by the opioid epidemic deserve their day in court. »

Cette crise des opioïdes n’est pas sans rappeler celle qui opposait l’Etat américain aux cigarettiers. En 2005, le gouvernement fédéral des États-Unis, avait intenté une poursuite au civil afin de récupérer 280 milliards de dollars et accusait les géants américains du tabac – Philip Morris (Altria), R.J. Reynolds, Brown & Williamson, British American Tobacco (BAT), Lorillard (Loews), Liggett (Vector) – d’avoir réalisé des profits de façon frauduleuse, en trompant le public sur les dangers liés à l’usage du tabac.  


[1] Un opioïde est une substance psychotrope de synthèse (fentanyl) ou naturelle (opiacés qui agissent sur les récepteurs aux peptides opioïdes) dont les effets sont similaires à ceux de l’opium sans y être chimiquement apparentés. Les opioïdes exercent leurs effets par stimulation directe ou indirecte des récepteurs opiacés, qui sont surtout logés dans les systèmes nerveux central et parasympathique. Les récepteurs de ces organes servent de médiateurs à la fois aux effets bénéfiques et néfastes des opioïdes.

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