« Ni oui, ni non, mais ne serait-ce que poser la question à des conséquences et met en cause la crédibilité de Barack Obama chez ses alliées et, ce qui est plus grave, chez ses ennemis », telle est l’opinion de Simon Serfaty, professeur à l’université de Norfolk et titulaire de la Chaire Brzezinski au CSIS, un think tank basé à Washington, exprimé sous forme de conclusion d’une conférence co-organisée par l’IFRI et la French-American Foundation.
Neuf mois après sa prise de fonction, l’« audace » du président Obama qui s’appuie sur une rhétorique brillante semble avoir trouvé ses limites. Mais cela n’est pas trop surprenant car « tout différent de George W. Bush qu’il soit, Barack Obama est prisonnier de deux facteurs : l’héritage de son prédécesseur et le contexte international ».
Pour Simon Serfaty, ce contexte revêt trois dimensions :
- Le monde unipolaire est fini et a laissé place à un environnement multipolaire dans lequel aucun pays ne peut se passer d’alliés ;
- La mondialisation galopante a aboli le temps et l’espace et a créé un monde dans lequel le « long terme n’a plus le temps de prendre son temps » ;
- Depuis le 11 septembre 2001 (9/11), le monde est réglé par une nouvelle normalité sécurité.
De ses trois contraintes, la 3e contrainte est certainement la plus importante considère Simon Serfaty et oriente la politique étrangère américaine qui est caractérisée par « deux guerres et deux conflits qui pourraient aboutir à deux guerres ». Face à ces défis, « Barack Obama hésite beaucoup et se présente comme un homme de réflexion qui a du mal à prendre des décisions ».
« On ne peut pas tout faire tous ensemble,
mais tous ensemble nous devons tout faire »
Les deux guerres
L’Irak, un nouveau Liban ?
L’Irak est une guerre qui s’achève. Il reste encore 120 000 hommes de troupe, mais fin 2010, conformément au engagement du candidat Obama, ils auront quitté le sol irakien. Laisseront-ils un état plus stable ? Sans doute pas, estime Simon Serfaty. Car si on peut reprocher à George W. Bush d’avoir menti pour engager une guerre, on peut lui reprocher beaucoup plus de ne pas avoir eu de plan pour la paix. « Alors que le Vietnam est une guerre civile qui est devenu militaire, l’Irak pourrait faire le cheminement inverse en passant de guerre militaire à une guerre civile ». Une fois que les Américains seront partis, les puissances régionales comme l’Iran ou l’Arabie Saoudite pourrait jeter leur dévolu sur un pays devenu instable.
L’Afghanistan, une guerre de sécurisation
Les objectifs de la guerre en Afghanistan sont relativement clairs : mettre le pays sur la voie de la démocratie (sur ce point le deuxième tour des élections est une bonne chose), affaiblir voire anéantir les Talibans et le foyer terroriste d’Al-Qaida, et enfin sécurisé la frontière avec la Pakistan. Mais les moyens d’y arriver sont beaucoup moins clairs. En tous la stratégie militaire a changé et vise désormais à une sécurisation des villages par le biais de l’annihilation des insurgés. En fonction du ratio nécessaire pour accomplir ce travail (nombre de militaires pour mille habitants), il a été calculé qu’il faudrait 650 000 hommes de troupe pour quadriller le pays. Nous sommes donc très loin du compte. Par ailleurs, à 250 000 dollars par militaire et par an, cela représenterait un budget annuel de 160 milliards de dollars. On comprend assez facilement les hésitations d’Obama. D’autant que pour récolter les fruits de ce travail, il faut s’engager dans le temps. « Pendant 20 ans » ?
Le budget militaire pour soutenir les deux guerres d’Irak et d’Afghanistan est de l’ordre de 130 milliards de dollars pour les années 2009 et 2010. Mais la répartition va être différente, un budget en baisse pour la première et en hausse pour la seconde.
Les deux conflits
Iran : le dossier le plus dangereux
La crise iranienne peut se comparer à « une crise des missiles au ralenti » selon l’expression de Simon Serfaty. Les deux plans A et B formulés par les Etats-Unis semblent avoir du plomb dans l’aile.
Le plan A consiste en une action militaire. Mais pour qu’elle soit efficace, il faudrait selon les rapports des experts être en mesure de frapper entre 400 et 500 cibles dont 75 seraient enterrés. C’est donc très difficile et aléatoire. Il faut que ce plan reste toujours possible même si l’on voit bien qu’il sera difficile à appliquer.
Le plan B qui se caractérise par des sanctions prend beaucoup de temps pour atteindre des résultats. Par ailleurs, un blocus demanderait une application universelle ce qui semble bien illusoire quand on voit les appétits de contrats dont font preuve des pays comme la Chine et la Russie.
La plan C est celui qu’il faudra appliquer quand l’Iran sera devenue une puissance nucléaire ce qui changera radicalement la donne et les choses ne seront plus comme avant.
Il faudra alors se recentrer sur une stratégie de dissuasion et de défense. Dissuasion pour être en mesure de gérer l’Iran, un pays révolutionnaire mais pas irrationnel. Défense en construisant un bouclier antimissile dans des pays voisins : Israël, Turquie…
Proche-Orient, une paix tant attendue
Le Proche-Orient a été pendant longtemps le principal foyer d’instabilité du monde. Il le reste mais de manière nettement moins forte. « Obama voulu en faire trop et trop vite » explique Simon Serfaty. Aujourd’hui, il s’est rabattu sur les positions de George W. Bush de négociations sans préalables.
Même si cet agenda international est chargé et complexe, le temps est compté. « Ces dossiers évolueront significativement dans les 2 ou 3 ans à venir, en mieux ou en mal » met en garde Simon Serfaty. C’est donc le moment de prendre les bonnes décisions.