Avec l’élection de Joe Biden contre Donald Trump, l’Etats-Unis abordent le troisième niveau de mise à l’épreuve de la démocratie.
Le premier niveau concerne le système même de l’élection à la fois du président et du Sénat (et même la Chambre des Représentants. Ce système avantage outrageusement les républicains. Au niveau du président, il permet aux candidats républicains d’être élus grâce aux grands électeurs tout en étant minoritaires. La dernière fois qu’un candidat républicain a remporté la majorité du vote populaire est en 2004. En 2016, Donald Trump avait gagné avec près de trois millions de voix de moins que son opposante. En 2020, Joe Biden a 6 millions de voix populaires de plus que Donald Trump et ce dernier conteste les élections. Les opposants à ce système font appel à la Constitution, aux Pères fondateurs avec des arguments qui n’impliquent pas la première ni les seconds… On a déjà publié sur ce blog de nombreux billets sur le sujet montrant que ce système est arrivé en bout de course.
Le second niveau concerne l’organisation et la pratique mêmes des élections qui défavorisent, découragent et rendent difficile le vote des minorités et donc des démocrates. Pratique du Gerrymandering (charcutage électoral), « voter suppression » (tous les procédés pour rendre difficile le vote des minorités)… On a également publié plusieurs billets sur ce sujet.
Mais avec l’élection de 2020 et la victoire incontestable de Joe Biden, mais pourtant contestée par Donald Trump, on arrive à un troisième niveau jamais atteint dans l’histoire des Etats-Unis. Même lors de l’élection de 1876 pendant la période de la Reconstruction, l’objet du litige qui concernait un nombre de scrutins limités était partagé par les deux partis.
Ce qui est arrivé était relativement prévisible et presque « téléphoné » par le président en exercice. Donald Trump n’a eu de cesse de répété que le vote de 2020 notamment avec l’utilisation du vote par correspondance nécessitée par la crise sanitaire n’était qu’une vaste fraude. « Si je perds les élections, c’est qu’elles sont truquées » s’est-il amusé à déclarer lors de ses meetings, instillant le doute dans l’esprit de ses soutiens qui ont fini par croire qu’il ne pouvait pas perdre. N’avait-il pas déclaré lors de son meeting de Middletown en Pennsylvanie en septembre dernier qu’il gagnerait « at the polls, or in the Supreme Court, or in the House » invoquant le 12e amendement selon lequel la délégation de chaque état possède un vote pour choisir le président (Il y a 26 délégations sur 50 états dominées par les républicains).
Il avait même annoncé un processus qui s’est avéré et que certains ont qualifié de « mirage rouge ». Le principe est relativement simple et peut être comparé à une course de 800 m soit deux tours de piste. Imaginons un coureur finissant en tête les premiers 400 m et s’arrêtant à l’issue du premier tour en déclarant qu’il a remporté la victoire. Tout le monde penserait qu’il a perdu la tête. C’est exactement ce qu’a fait Donald Trump le soir des élections en déclarant qu’il avait gagné. Et puis, les scrutateurs ont commencé à décompter les bulletins par correspondance renversant ainsi la tendance et donnant au fur et à mesure la victoire à Joe Biden. C’est lui-même qui avait déconseillé à sa base de ne pas utiliser ce moyen de voter. Grosse erreur de sa part.
Depuis non seulement, Donald Trump refuse de concéder la victoire à Joe Biden, ce que rien ne l’oblige à faire, empêchant ainsi une transition fluide, mais surtout essaie de trouver tous les moyens possibles de contester et de renverser l’élection. Une tentative de coup d’état en « slow motion », mais qui n’a aucune chance d’aboutir. En demandant de recompter les voix. C’est ce qu’a fait la Géorgie avec un résultat conforme au décompte initial. Et après que le gouverneur républicain de Géorgie a publié les résultats officiels, Donald Trump persévère et signe en tweetant que le vote de Géorgie est truqué.
Il y a eu tous les recours juridiques au titre de fraudes qui, jusqu’ici, ont lamentablement échoué. Dans cette démarche, très rares sont les républicains qui se sont élevés contre le président. A commencer par Mitch McConnell qui a rappelé que le président était en droit d’engager tous les recours qu’il souhaitait. D’autres répètent l’idée à la fois évidente et absurde selon laquelle il faut compter les bulletins légaux et écarter les bulletins illégaux c’est-à-dire ceux en nombre suffisant pour renverser l’élection au nom de Joe Biden.
Il y a également les interventions auprès des congrès de quelques états clés pour qu’ils ne retiennent pas les grands électeurs issus du vote populaire, mais en choisissent d’autres favorables à Donald Trump. Il a par exemple reçu Mike Shirkey, le chef de la majorité républicaine du Sénat de Pennsylvanie, et Lee Chatfield, le Speaker de la Chambre pour les influencer sur ce choix des Grands électeurs. Le Congrès de Pennsylvanie doit choisir ses grands électeurs lundi. A la sortie de cette réunion à la Maison-Blanche, ces deux élus ont déclaré qu’ils respecteraient le vote des électeurs.
Il y a enfin la pathétique prestation de Rudy Giuliani avec son équipe de bras cassés qui, lors d’une nouvelle conférence de presse, a une fois de plus répandu ses fausses informations et ses théories complotistes.
Tout ceci serait presque drôle s’il ne s’agissait pas de l’élection du président des Etats-Unis. Espérons qu’on n’atteindra pas les sommets branquignolesques des Marx Brothers dans leur film Duck Soup.
Mais finalement que cherche Donald Trump sachant qu’il ne peut pas ne pas savoir que tout ceci est peine perdue et que le 20 janvier à midi, il quittera la Maison-Blanche, de gré ou… de force ? Continuer d’être le centre de l’attention ? Continuer à récolter des fonds ? Préparer la suite en activant sa base ?
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