Donald Trump a une conception de la loi et de l’état de droit qui lui est toute personnelle. Comme le lui a appris Roy Cohn, son avocat des premiers temps, qui a été également le proche conseiller juridique de Joseph McArthur (comme CV on fait mieux), la loi n’est pas faite pour déterminer ce qui est légal, mais n’est qu’un instrument pour parvenir à ses fins.
« Cohn represented a number of Mob figures, many of whom would prove helpful to Trump. He advised them about their business affairs and many of the legitimate fronts they used in their illegal operations (…) He was fond of saying to his colleagues, “Fuck the law, who’s the judge?,” which Trump would later seem to echo with his savage attacks on a “Mexican” judge, a “so-called judge,” and an “Obama judge. » (Plaintiff in Chief, a portrait of Donald Trump in 3500 Lawsuits, James Zirin).
On la dit et répéter, Donald Trump voit la vie comme une série de transactions et il espère gagner chacune d’elles. Dans ce cadre, la justice peut être utilisée comme un menace, avant la transaction pour décourager et terroriser ses opposants et après dans le cas où elle ne lui aurait pas apporté toute satisfaction. Selon l’American Bar Association, Donald Trump a été impliqué dans plus de 4 000 procès en tant qu’attaquant ou que défendant de 1968 à 2016, date à laquelle il a été élu président. Soit un tous les trois jours ouvrés. « I love to have enemies (…) I fight my enemies. I like beating them to the ground » avait-il déclaré en 1989.
Comme l’explique James Zirin, la personnalité de Donald Trump, assez largement façonnée par son père Fred et son mentor Roy Cohn, se définit par quelques idées simples. Dans la vie, il n’y a que deux sortes de personnes, les tueurs et les perdants (killers and losers). Rien d’étonnant donc dans les propos qui ont été rapportés par plusieurs médias lors de son déplacement au cimetière militaire américain à l’occasion du bicentenaire de l’armistice de la Grande Guerre qui qualifiaient les militaires tués et enterrés de « losers et de suckers ». Ou lorsqu’il a dit lors d’un entretien TV que John McCain n’était pas un héros car il avait été fait prisonnier. Deuxième idée, la justice n’est qu’un autre process politique à contourner. (voir aussi le l’épisode Empty Suite du podcast Amicus diffusé par Slate).
Lorsqu’on est attaqué, la seule chose à faire est de contre-attaquer : « The best way to attack was to destroy the character of an accuser, even when the counterattack was untrue or exaggerated or irrelevant or prejudicial, and to repeat the bashing again and again ».
C’est ce qu’il a fait dans l’affaire de location d’appartements en 1973 où il a été accusé de discrimination envers les Noirs. Il avait alors convoqué une conférence de presse et attaqué le gouvernement américain pour 100 millions de dollars pour des motifs totalement futiles. Deux semaines plus tard, cette initiative fût abandonnée, mais elle avait reçu suffisamment de publicité pour faire réfléchir le ministère de la Justice de Richard Nixon.
Autre idée-force dans l’arsenal de Donald Trump est le mensonge. Et là, il faut bien reconnaître qu’il est passé à l’ère industrielle tant la production a été élevée pendant son mandat. Il y en a tant qu’ils sont aussi difficiles à compter que les arbres d’une forêt. Et un mensonge en chasse un autre, ce qui ne laisse pas trop de temps pour s’appesantir sur un en particulier. D’ailleurs, le mensonge est devenu une deuxième nature pour Donald Trump de telle sorte qu’on peut se demander s’il a même conscience de tous ces mensonges ou s’ils sont devenus pour lui une autre manière de décrire la réalité (les fameux faits alternatifs). « the casinos have done very well from a business standpoint. People agree that they’re well run, they look good and customers love them.” n’avait-il pas hésité à déclarer au magazine Playboy en 2004 alors que ces activités liées aux casinos avaient été une véritable catastrophe.
Les gesticulations de Donald Trump depuis que Joe Biden a été déclaré vainqueur des élections 2020, il n’a eu de cesse de déclarer (ses deux pathétiques discours de la Maison-Blanche après les résultats) et de tweeter que les élections étaient truquées. Qui sera surpris puisqu’il l’affirme depuis de nombreux mois. Ne disait-il pas à chacun de ses meetings que s’il n’était pas réélu, c’est tout simplement parce qu’il y aurait eu des fraudes aux élections. Sur ce point, il reste donc constant et logique avec lui-même.
Mais jusqu’où cette nouvelle offensive peut-elle aller ? Quelles pourront être les conséquences, notamment pour les institutions et sur ses groupes de supporters qui n’en attendent pas moins pour montrer leur soutien ?
Plus grave est le soutien que lui apportent son entourage et les républicains qui ne font pas partie de son fan-club. Le ministre de la Justice Bill Barr a autorisé l’ouverture d’enquêtes sur d’éventuelles irrégularités estimant qui pourraient exister. Mitch McConnell, sénateur du Kentucky qui vient d’être réélu, et chef de la majorité au Sénat a déclaré que Donald Trump était « à 100% en droit » de contester les résultats de la présidentielle. Mais il n’est pas jusqu’à aller à reprendre les accusations de fraude. Une position médiane qui entend ne pas s’opposer une base qui pourrait être bien utile dans les deux élections sénatoriales de Géorgie en janvier prochain.