« Are you better off today than you were four years ago? » Telle est la question devenue célèbre posée par Ronald Reagan à son opposant Jimmy Carter lors d’un débat télévisé dans le cadre de la campagne présidentielle de 1980 (Are You Better Off Than You Were 4 Years Ago?).
La réponse de Jimmy Carter sonnait comme un « no » honnête et peut-être un peu naïf. Si la situation avait été à front renversé, il n’est pas sûr que Reagan aurait eu la même honnêteté s’il avait eu à répondre à une telle question. Quant à Donald Trump, si Joe Biden lui posait en octobre prochain la question, il répondrait sans doute que si les Chinois n’avaient pas répandu le virus dans le monde, les États-Unis auraient été dans la meilleure situation jamais connue dans l’histoire et que de toute façon, 2021 sera la meilleure année.
Pour l’heure, après trois mois chaotiques, d’abord à cause de la crise du coronavirus, puis des événements tragiques de Minneapolis qui secouent les États-Unis depuis plus de 15 jours, les Américains semblent déboussolés et en tous cas pas satisfaits. Selon la dernière enquête de l’institut Gallup, seulement 20 % se déclarent satisfaits de la situation actuelle aux États-Unis, le niveau le plus faible depuis 2017. Même il y a eu encore plus bas, En 2008, au moment de la crise financière où ce niveau de satisfaction est tombé à 7 %. Et dans ce que l’on appeler un décrochage, même les républicains ne sont pas contents : 80 % se déclaraient satisfaits en février, ils ne sont plus que 39 %.
Et c’est là une chute brutale de 25 points depuis février. C’était la période où tout allait encore bien, avant l’explosion de la crise sanitaire. Pendant le même temps, alors que les soutiens à Donald Trump restaient stables, le niveau d’approbation de Donald Trump a chuté de 10 points depuis la première quinzaine de mai pour atteindre 39 % et le taux de désapprobation a pris 9 points. Un niveau comparable à celui de Jimmy Carter et George H.W. Bush cinq mois avant les élections de 1980 et 1992. On connaît le résultat.
Cette inflexion est corroborée par des sondages plutôt favorables à Joe Biden, au niveau national et même au niveau de certains états qui seront critiques dans le résultat des prochaines élections. Au niveau national, c’est le dernier sondage de CNN en date du 8 juin qui donnait un avantage substantiel à Joe Biden face à Donald Trump : 55 % pour le premier et 41 % pour le second. On le sait, l’élection ne se joue pas au niveau national, mais cet écart est néanmoins un mauvais signal. Selon ce sondage, 80 % des Américains considéraient que les réactions à la suite du meurtre de George Floyd par un policier étaient justifiées et 65 % d’entre eux estiment que la réponse de Donald Trump était « more harmful than helpful ».
Mais les sondages sur certaine états publiés début juin par Fox News sont beaucoup plus significatives. Dans le Wisconsin, l’un des trois états du Blue Wall qui avait donné l’élection de 2016 à Donald Trump donne une large majorité à Joe Biden : 49 % contre 40 % avec une marge d’erreur de 3,5 %. Après correction la plus pessimiste pour Joe Biden, on aurait donc 45,5 % contre 43,5%. Les raisons ne surprendront personne : la gestion du coronavirus, les relations entre les races. Seule la gestion de l’économie donne un léger avantage à Trump. Les semaines qui viennent ne devraient pas améliorer beaucoup la perception en faveur de Donald Trump bien qu’il promette, encore et encore, la Lune.
En Ohio, un des swing states historiques, Joe Biden bénéficie d’un léger avantage (45 % contre 43 %) là où Donald Trump avait gagné avec plus de 8 points d’avance en 2016. Même situation en Arizona qui donne un avantage de 4 points à Joe Biden (46 % contre 42%). En 2016, Donald Trump avait un avantage de 3 points et demi. Cela semble peu, mais il faut rappeler que l’Arizona a voté républicain depuis 1952 à l’exception de 1996 où Bill Clinton l’avait emporté (46 % contre 44 %) contre le républicain Bob Dole dans une élection qui lui avait été largement favorable avec 9 points de différence de voix populaires, un large avantage de grands électeurs (379 contre 159).
Tout ceci n’est qu’une photographie du paysage politique au mois de juin et beaucoup d’événements peuvent intervenir d’ici novembre prochain.