« Les prévisions sont difficiles surtout lorsqu’elles concernent l’avenir » avait prévenu Pierre Dac. « J’aimerais terminer sur un message d’espoir. Je n’en n’ai pas. En échange, est-ce deux messages de désespoir vous iraient », lui avait répondu Woody Allen à quelques années d’intervalle. « Les modèles de prévision ne sont que des modèles », a averti le Docteur Anthony Fauci, l’expert médical qui suit la crise sanitaire aux États-Unis lié au Covid-19. Mis sur le banc de touche lorsqu’il ne donne pas les messages que la Maison-Blanche veut entendre. Et est interdit de témoigner devant une commission parlementaire la semaine prochaine.
Il y a la qualité théorique de la modélisation lié à la connaissance médicale, aux modèles mathématiques utilisés, les hypothèses que l’on met dans les modèles et surtout les données dont on dispose. Les résultats peuvent donc être très différents. Ce n’est pas grave lorsqu’il s’agit de savoir quelle équipe va gagner le Superbowl, cela l’est beaucoup plus lorsqu’il s’agit de savoir combien de morts fera l’épidémie lié au Coronavirus, sans parler du côté macabre de l’exercice. Car derrière chaque chiffre, il y a un être humain qui disparaît, une famille et des proches qui sont touchés.
Le site FiveThirtyEight (Where The Latest COVID-19 Models Think We’re Headed -And Why They Disagree), spécialisé dans les prévisions de toutes sortes, recense les prévisions de 6 grandes institutions. Deux conclusions s’imposent.
La première est que les prévisions des modèles de chaque institution évoluent très rapidement dans le temps. L’Université Columbia par exemple évalue le nombre de morts : le 14 avril à 97 000 au 16 mai, le 21 avril à 111 000 au 23 mai, et le 1er mai à 114 000 au 30 mail. Avec des fourchettes très larges, mais qui se resserrent un peu avec le temps : Le 14 avril, la fourchette est comprise entre 47 000 et 215 000 morts, Le 21 avril, entre 95 000 et 128 000, et le 1er mai entre 102 000 et 135 000.
Le seconde est que les modèles diffèrent entre eux de manière très importante. Au 1er mai, FiveThirtyEight répertorie 6 modèles qui eux aussi diffèrent très largement sur le résultat au 30 mai. Ces prévisions varient de 72 000 au 30 mai (avec une fourchette comprise entre 57 000 et 120 000) pour l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) qui est le plus optimiste, à 114 000 pour l’université Columbia, la plus pessimiste, avec une fourchette comprise entre 102 000 à 135 000.
A ce jour, le nombre de morts a dépassé 65 000, au rythme effrayant de 2000 morts supplémentaires par jour, un chiffre qui ne semble pas fléchir ces deux dernières semaines.
Prévisions au 14 avril
Prévisions au 21 avril
Prévisions au 2 mai
Pendant ce temps, Jared Kushner, gendre du président et conseiller spécial, ose expliquer à la chaîne Fox News, de manière totalement indécente, que la réponse apportée par la Maison Blanche à cette crise est en fait une « success story ». Il est vrai que si l’on dénombre 100 000 morts, Donald Trump expliquera que ce qui a été fait a permis d’éviter d’en avoir 200 000, si l’on atteint 200 000, il donnera la même explication en remplaçant 200 000 par 400 000. A cette propagande-là, il n’y pas de limite.