L’économie américaine a créé 145 000 emplois en décembre 2019 amenant le taux de chômage au niveau historiquement bas de 3,5 %. Tout le monde devrait s’en réjouir. Oui mais, de quels types d’emplois s’agit-il ? Combien sont-ils rémunérés ? Est-ce que les salariés qui les reçoivent peuvent décemment vivre avec ces revenus ?
Si l’on examine toutes ces questions, la situation n’est pas aussi bonne qu’il n’y paraît. Une étude que vient de publier le Brookings Institute montre que 53 millions de travailleurs âgés de 18 à 64 ans représentant 44 % de la force de travail ont beaucoup de difficultés à « joindre les deux bouts ». Le salaire médian de ce groupe que l’on peut ranger dans ce que l’on appelle la catégorie des « travailleurs pauvres » est de 10,22 dollars de l’heure soit environ un revenu annuel de 18 000 dollars. Les types d’emploi concernés se trouvent dans le commerce de détail, la restauration, l’alimentation, les concierges et gardiens, les emplois d’aide à la personne…
Pour affiner l’analyse, la question est de savoir si les personnes concernées ont charge de famille ou si elles ne font qu’apporter un revenu d’appoint ? La moitié d’entre eux gagnent le revenu principal du foyer ou apportent une contribution essentielle. 37 % ont des enfants.
Que faut-il faire pour remédier à cette situation ? Beaucoup considèrent qu’il faudrait améliorer le niveau de formation, soit par la formation initiale ou la formation, tout au long du parcours professionnel. Car plus que jamais les emplois évoluent et de nouvelles qualifications sont nécessaires. Peut-être ? Plus des trois quarts de ces travailleurs à faible rémunération n’ont pas un diplôme universitaire. Mais font remarquer les auteurs de l’étude, imaginons un instant que toute cette population concernée soit soudainement munie de diplômes universitaires, est-ce pour autant qu’il y aurait en face les emplois mieux rémunérés. On ne peut évidemment qu’en douter.
Cette évolution vers un nombre croissant d’emplois mal rémunérés s’explique par de multiples changements dans l’économie : globalisation, les effets des technologies et l’automatisation, l’emploi des emplois industriels vers des emplois de services, le déclin des syndicats, la déstructuration de l’espace de travail, la concentration des firmes… Clairement, pendant les dernières décennies, les salaires ont stagné, voire diminué, alors que de l’autre côté, les dépenses pour l’éducation et la santé ont explosé et sont devenus hors d’attente pour une frange de plus en plus importante des Américains.
En dépit des statistiques si positives, le constat est assez simple pour le Brookings : l’économie ne fonctionne pas pour des millions de personnes et les laisse de côté. Et ce n’est pas le fruit du hasard ou des forces de plus en plus incontrôlables, mais en bien façonné des politiques, des décisions d’investissements et l’activité des institutions. Et il est possible d’engager des actions pour engager des effets correcteurs : augmenter les salaires par le biais de politiques fiscales et de crédit d’impôt, augmenter le salaire minimum, soutenir la représentation des syndicats, soutenir les familles par l’intermédiaire de politique familiale et de l’aide aux enfants… Et la liste n’est pas close.
Malgré ces « très bons résultats » sur le front de l’emploi, dont le président actuel n’arrête pas de s’attribuer tous les mérites (lors que les mêmes bons chiffres étaient publiés sous Obama, ils étaient bizarrement suspects), il faut remarquer qu’il s’est créé moins d’emploi sous pendant les trois années du mandat de Donald Trump que pendant les trois dernières années de Barack Obama : Même le très pro-business magazine Forbes le faisait remarquer dans un article publié en septembre dernier : Trump Has Created 1.5 Million Fewer Jobs Than Obama. Les chiffres sont clairs : 8 millions de 2014 à 2016, 6,2 millions de 2017 à 2019. Même après la réforme fiscale de 2017 ou plus simplement la baisse d’impôt pour les entreprises et les hauts revenus, cette création d’emploi est restée assez nettement en dessous des seuils précédents. Il est vrai que plus on se rapproche de ce que l’on appelle le chômage frictionnel (si cette notion existe), il est de plus en plus difficile de créer des emplois.