On ne reviendra pas sur le lamentable épisode qui a conduit Mitch McConnell à ne pas considérer, pendant près d’un an, la confirmation de Merrick Garland, pressenti par Barack Obama à la Cour Suprême pour remplacer Antonin Scalia.
On ne reviendra pas sur les conditions de l’élection de Donald Trump : un système électoral de plus en plus obsolète qui favorise les petits états qui sont le plus souvent fortement républicains, une influence russe qui a été décisive selon Kathleen Hall Jamieson, directrice du Annenberg Public Policy Center à Penn University dans son tout récent livre Cyberwar: How Russian Hackers and Trolls Helped Elect a President – What We Don’t, Can’t, and Do Know.
On ne reviendra sur la procédure retenue par la commission du Sénat chargée de la confirmation du juge Brett Kavanaugh.
Mais au final, Donald Trump et les républicains ont gagné et installé à la Cour Suprême un nouveau juge (Peut-être pas assez conservateur s’inquiétait Rick Santorum, ancien candidat aux primaires républicaines et désormais chroniqueur sur CNN) donnant ainsi majorité aux conservateurs pour plusieurs décennies. Et Donald Trump n’en a peut-être pas fini de modifier la troisième branche du gouvernement.
Brett Kavanaugh a donc prêté serment devant le Chief Justice John Roberts et Anthony Kennedy, son prédécesseur. Alors qu’il restera le plus controversé des juges au moment de son entrée en fonction. 46 % des Américains sont favorables à sa confirmation, 45 % opposés. Les derniers jours ont permis aux indécis de se positionner.
Mais là encore, la polarisation est très forte : les républicains sont favorables, les démocrates défavorables. C’est aussi simple que ça. Si l’on mesure ce que l’on pourrait appeler l’indice de polarisation (La différence entre les opinions favorables à la confirmation d’un candidat selon le parti), Brett Kavanaugh est de loin le plus polarisant avec 20 points de plus que Neil Gorsuch. Et cet indice de polarisation n’a fait que s’accroître avec le temps confirmation une tendance largement établie (La polarisation en marche !).
Cette confirmation va créer une fracture de plus en plus grande : un pays dont la majorité progressiste est appelée à se renforcer (mécaniquement) et une Cour Suprême conservatrice. Par ailleurs, elle renforce une situation où un Congrès incapable de trouver les bons compromis sur les lois importantes déporte sa responsabilité sur la Cour Suprême.
Pourtant, dans ce contexte difficile pour les progressistes, Lawrence Lessig, professeur de droit à Harvard et candidat malheureux aux primaires démocrates se veut optimiste en citant une affaire devant une Cour supérieure d’Alaska :
« Partout dans le pays, les gens sont terrifiés par la direction que prend notre Cour suprême (…)Je comprends, et je partage les préoccupations.
Mais en tant que clerc pour un originaliste de la Cour suprême (la juge Scalia), j’ai vu à quel point les arguments originalistes ne donnent pas toujours des résultats conservateurs.
Avec cinq juges conservateurs à la Cour suprême, seuls les cas fondés explicitement dans des arguments conservateurs auront une chance de gagner (…) Je suis convaincu que nous pouvons convaincre au moins l’un des originalistes d’être d’accord avec nous.