Quoi qu’il fasse, Donald Trump ne semble pas perdre des voix. Mais il n’en gagne pas non plus. Et le temps manque pour trouver la botte secrète qui fera tout basculer. Depuis des mois, l’écart des intentions de votre au niveau national est resté à la fois stable et plus important que celui entre Donald Trump et Hillary Clinton en 2016. Contrairement à ce qui se passe d’habitude, les deux conventions démocrate et républicaine n’ont eu quasiment aucun effet sur les esprits. Signe d’une forte polarisation dans la mesure où les pro-Trump et les anti-Trump semblent avoir arrêté leur opinion pour toujours. Si la gestion calamiteuse – qui devrait être perçu encore plus désastreuse depuis la publication du livre de Bob Woodward – ne fait pas bouger les lignes, quel événement pourra-t-il le faire ?
Le site 538 fait la moyenne des sondages au niveau national et donne un avantage compris entre 6 et 8 points. L’écart le plus faible a été observé début juin à 5,9 % et le plus important quelques semaines plus tard à 7,9 %. Depuis juillet, les variations se sont encore réduites. Cette semaine, il était de 6,6 %. Toutefois, si cet indicateur donne quelques éléments, il faut se rappeler qu’il n’y a pas une élection mais 50 élections en même temps. Et seule une douzaine d’entre elles seront déterminantes. Et toujours selon le site 538, l’avantage est nettement favorable à Joe Biden. Si l’on prend les trois étant qui avaient fait basculer l’élection en 2016, la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin, tous trois donnent un avantage assez important à Joe Biden, respectivement 5, 7,4 et 7 points.
Face à cette quasi-immobilité, Donald Trump travaille sur plusieurs fronts poussant successivement un argument ou un autre en fonction de l’actualité.
Sur le front de l’épidémie, les Américains ont une mauvaise opinion de la gestion de la crise par le gouvernement. Oui, mais les États-Unis ne sont pas un gouvernement fédéral, oui mais c’est la faute aux gouverneurs et aux maires démocrates, oui mais c’est la faute aux Chinois, d’ailleurs ne l’appelle-t-on pas le China Virus… Peut-être mais le constat est tragique : avec plus de 190 000 morts, les États-Unis figurent parmi les nations les moins bien classées de la planète en nombre de décès par 100 000 habitants : moins bien que le Mexique, que l’Iran ou le Guatemala. Même si les comparaisons entre pays doivent être prises avec précautions, ce n’est pas un bon résultat. Il reste donc la botte secrète du vaccin qui pourrait disponible début novembre. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, c’est bien connu. L’arrêt des essais au stade 3 d’AstraZeneca à cause d’une sévère réaction d’un patient est une mauvaise nouvelle. Et pour éviter d’effriter la confiance distillée par les affirmations de Donald Trump sur la disponibilité d’un vaccin à une date très opportune, neuf laboratoires pharmaceutiques ont été obligés de signer un engagement de ne pas céder à la politique pour mettre leur vaccin sur le marché (9 Drug Companies Pledge to ‘Stand With Science’ on Coronavirus Vaccines). Il vaut peut-être mieux oublier le vaccin.
Il y a l’économie avec des formules-chocs comme les reprises en forme U ou V alimentées par les chiffres qui sont habilement présentés : la création des 1,4 million emplois en août mais qui ne permettent pas de retrouver le niveau de l’avant crise. La bourse peut aussi servir mais comme elle très volatile, il vaut mieux faire attention. Bref, la situation économique ne convaincra pas vraiment, en particulier ceux nombreux qui ont perdu leur emploi.
Reste l’argument du « Law and Order », assez difficile à faire passer car Donald Trump est président depuis quatre ans. C’est bien dans l’Amérique présidé par Donald Trump que tout ceci arrive. Il y faut distinguer les protestations pacifiques des émeutes qui secouent certaines villes. Au départ, les meurtres de George Floyd et d’autres et les tirs dans le dos de Jacob Blake, ont mis le feu au poudre. Joe Biden a clairement condamné ces émeutes lors d’un discours en Pennsylvanie. Donald Trump qui fait toujours dans la nuance a placé tout ça, incluant le mouvement Black Lives Matter, dans le même sac condamnant tout en bloc.
En marge de ces grands sujets, il y a les petits événements que Donald Trump met en scène pour améliorer son image ou rassurer sa base. Dans la famille des premiers, on peut citer la décision d’un élu de la droite populiste norvégienne de le proposer au prix Nobel de la paix 2021. Issu du parti du Progrès (FrP, droite populiste anti-immigration), Christian Tybring-Gjedde a expliqué à l’AFP que Donald Trump méritait le prix pour son rôle dans l’accord de normalisation entre Israël et les Émirats arabes unis (Source : Le Figaro). Mais cette nomination ne donne aucune garantie sur l’attribution très peu probable du prix à Donald Trump. Dans le même temps, 81 Prix Nobel ont apporté leur soutien à Joe Biden (81 Nobel laureates back Biden as Trump taunts ‘low-energy’).
Dans le même esprit, Donald Trump a affiché une liste d’une vingtaine de noms de candidats potentiels, tous très conservateurs, à la Cour Suprême dont Ted Cruz et Tom Cotton. Il s’agit là d’une simple gesticulation puisque le sujet n’est pas d’actualité. Il permet de donner un signal à sa base et ‘d’obliger » les personnes citées de faire des déclarations favorables à Donald Trump. On le sait, la nomination d’un juge à la Cour Suprême, avec la position sur l’avortement, est l’un des éléments majeurs dans le choix du président.
En parallèle à l’argumentation pour forcer le vote des électeurs, Donald Trump agite un autre chiffon en n’arrêtant pas de jeter le doute sur la sincérité des élections, notamment en pointant les fraudes possibles liées au vote par correspondance. Des affirmations sans aucun fondement. Il est même allé jusqu’à conseiller à ses électeurs de voter deux fois – par correspondance et sur place – pour bien vérifier que le système fonctionne. Un peu comme si on conseiller de tenter de voler une banque pour vérifier que son système de sécurité est opérationnel. Le doute ainsi distillé sur pourra servir si d’aventure Joe Biden était élu. Cela permettrait à Donald Trump de ne pas concéder le résultat d’une élection dont l’intégrité, selon lui, n’est pas garantie.