De même que les Français ont pris de haut les Italiens au début de la crise en pensant qu’une telle crise sanitaire ne pouvait arriver en France, les républicains ont vertement critiqué le maire de la ville de New York et le gouverneur de l’Etat, au principal motif qu’ils étaient démocrates. Et lentement mais sûrement la vague épidémique a déferlé sur l’ensemble du territoire. Il n’y a plus de Blue Covid-19 et de Red Covid-19 mais il y a désormais une America Covid-19 pour paraphraser une formule bien connue de Barack Obama.
Quelques semaines avant le premier cas de Covid, le John Hopkins Center for Health Security et le Nuclear Threat Initiative ont publié un rapport intitulé Global Health Security Index, Building Collective Action and Accountability, dans lequel il évalue la capacité de 195 pays à gérer une épidémie. Au vu des six derniers mois, le résultat est étourdissant : ce rapport classe les États-Unis à la première place avec un indice de 83,5. Un résultat qui pourrait faire sourire si le sujet n’était pas aussi dramatique. Sur les six critères qui permettent de constituent cet indice (prévention, détection, réponse, structure sanitaire, respect des normes, gestion des risques), les États-Unis sont au tout premier rang. Le Royaume-Uni est au deuxième rang. Autant dire que la première réaction serait de jeter à la poubelle les 324 pages de ce rapport dont les analyses sont à ce point aussi éloignées de la réalité.
Aujourd’hui, alors qu’il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif, les États-Unis figurent dans le Top 10 en nombre de décès pour 100 000 habitants. Un résultat peu brillant alors même que les États-Unis consacrent 18 % de leur PIB à la santé, le taux largement le plus élevé du monde. Comment avec une « structure hospitalière aussi performante », les États-Unis ont-ils pu faillir à ce point dans la gestion de cette crise ?
Dans son article intitulé COVID-19 Has Killed Nearly 200,000 Americans. How Many More Lives Will Be Lost Before the U.S. Gets It Right? Time Magazine essaye de trouver les raisons qui ont conduit à un tel échec : Un manque de leadership à tous les niveaux et tous les partis, une méfiance des scientifiques et de la science, des médias et des experts, et une approche culturelle profondément ancrée sur l’individu et sa liberté plutôt que sur le bien-être du groupe. L’article rappelle les résultats d’une enquête du Pew Research montrant que 58 % des Américains pensent que « la liberté de poursuivre des buts individuels sans entrave de l’état » est plutôt importante que de garantir que personne ne soit dans le besoin ». Un objet de sécurité sanitaire aussi simple et peu coûteux que le masque fait l’objet d’un bataille partisane insensée (Il semblerait que ça commence aussi en France). Toujours selon une enquête réalisée en juin dernier par le Pew Research, 63 % des démocrates et des démocrates tendance indépendants pensaient que le masque soit obligatoire en public contre 29 % pour les républicains et les républicains tendance indépendants.
Mais cette atmosphère n’a pas été créée ex nihilo, certains facteurs l’ont favorisé, à commencer par un président dont la communication a été, à tout le moins, totalement chaotique. On aurait pu penser que Donald Trump visait dans une bulle et pensait réellement ce qu’il disait selon une règle selon laquelle la vérité est en fait ce qu’il déclare et non ce qui est. Mais, avec les révélations de Bob Woodward dans son livre Rage qui doit être publié dans quelques jours, on apprend que – le journaliste a pris le soin d’enregistrer les entretiens – Donald Trump a préféré minimiser le danger (pour ne pas dire mentir) pendant de longues semaines et dire que tout allait bien pour ne pas « distiller la panique au sein de la population ». Donald Trump pacificateur ? On peut sérieusement douter de cette motivation si l’on observe le discours anxiogène de Donald Trump quasi continu depuis qu’il est président, et même avant. L’écoute de ses discours ou la lecture de ses tweets (quelques exemples ci-dessous) qui diffusent des messages angoissants et oppressants suffit à s’en convaincre. C’est donc là un mensonge dans le mensonge…
Mais Donald Trump n’a-t-il pas été envoyé par Dieu. Il est donc le seul à savoir ce qui est bon pour les Américains.