La variole a été l’une des plus grave maladie infectieuse de l’histoire de l’humanité. Rien qu’au 20e siècle, elle aura été responsable de quelque 300 millions de morts. Près de deux siècles après que Jenner eut fait part de son espoir que la vaccination pourrait anéantir la variole, le 8 mai 1980, la 33e Assemblée mondiale de la Santé a officiellement déclaré le monde indemne de cette maladie. L’éradication de la variole est considérée comme la plus grande réussite de la santé publique au niveau mondiale.
Mais entre temps, des apparitions de foyers d’épidémie ont menacé des villes entières. New York n’a pas été excepté. Un début de foyer avait couté la vie à quelque 2000 habitants mais pas d’éruption suspecte. Ce fut le cas au printemps 1947 lorsqu’un homme d’affaire, Eugene Le Bar, à New York du Mexique à la suite d’un long voyage en bus. Le 5 mars, il est atteint d’une forte fièvre (40,5°) et présente une forte éruption de boutons sur la figure et sur les mains. Il décède le 10 mars alors qu’il avait déjà été vacciné contre la maladie. Il sera considéré a posteriori comme le patient zéro. Peu après, trois cas sont détectés avec une forte suspicion de variole. Le diagnostic est confirmé pour ces trois malades le vendredi 4 avril. Le 6 avril, des centaines de milliers de newyorkais sont censés participer à la parade de Pâques.
Même si une grande partie de la population a déjà été vaccinée comme cette maladie, rien n’assure que le vaccin soit toujours effectif. Il faut donc réagir vite et prendre une décision rapidement. C’est ce qu’a fait Israël Weinstein, l’adjoint au maire responsable de la santé (Il décrira en détail l’événement quelques mois dans un article intitulé An Outbreak of Smallpox in New York City). Ce même vendredi 4 avril, à 14 heures, le maire de New York William O’Dwyer tient une conférence de presse dans laquelle il demande à tous les habitants de la ville de se faire vacciner.« La logistique suivra » aurait-il pu ajouter pour paraphraser un mot célèbre de Gaulle. Mais c’est là un tour de force que de lancer une opération à une telle échelle en si peu de temps. Il faut tout organiser sachant qu’en plus le stock de vaccins est loin d’être suffisant. Il faut donc prendre contact avec les laboratoires pharmaceutiques pour qu’ils fabriquent les vaccins nécessaires. Cela ne se fait pas toujours de manière la plus fluide qui soit. A la mi-avril, alors que les stocks sont épuisés, la maire rencontre les laboratoires et leur demande instamment d’accélérer la production pour répondre aux besoins. Il fait alors pression en menaçant de faire part à la population de leur manque de réactivité.
Le premier week-end, les Newyorkais ne se pressent pas pour se faire vacciner mais le décès de la femme de l’un des trois premiers cas détectés change les esprits et mobilise toute une population. Et puis, des opérations de communication favorisent la décision des habitants. Devant les caméras, William O’Dwyer se fait inoculer le vaccin alors qu’il l’a déjà reçu à plusieurs reprises lorsqu’il était dans l’armée. Le 21 avril, Harry Truman se fait aussi vacciner devant les journalistes.
En moins d’un mois, 6,3 millions de Newyorkais sont donc vaccinés, 5 millions dans les deux premières semaines. Au début mai, Israël Weinstein déclare que le danger est passé. Finalement, la ville n’a répertorié que 12 cas et deux décès.
Parmi les grandes différences entre cette époque et aujourd’hui, les médias sont favorables à la science et à la vaccination et les réseaux sociaux qui véhiculent tout et son contraire n’existent pas. Plus généralement, la population est beaucoup plus favorable à la vaccination même si le débat (vidéo ci-dessous) très policé entre deux professeurs de médecine montre qu’il y a des avis divergents.
Smallpox Vaccination: Should our Policy be Changed? (USPHS, 1969)